LARYNGECTOMIE TOTALE
La laryngectomie totale (LT) est une intervention chirurgicale qui est indiquée principalement dans les tumeurs laryngées classées T4a ou de tous stades survenant en terrain irradié inaccessibles à une laryngectomie partielle transorale ou par voie externe.
PLAN
1. Installation et incision
Décubitus dorsal – tête en légère hyperextension.
Mise en place d’une sonde nasogastrique.
Champage stérile du menton en haut aux clavicules en bas, en laissant visible le lobule des oreilles.
Incision en U (type Paul André bilatérale voire bimastoidienne) dont la partie horizontale passe environ 2cm au-dessus de l’incisure sternale.
Notons que l’incision cutanée peut être plus courte si un curage cervical n’est pas pratiqué. Chez un patient préalablement trachéotomisé, l’incision emporte l’aire de trachéotomie.
2. Lambeau sous-platysmal et évidements cervicaux
Un lambeau sous-platysmal est relevé en s’arrêtant en haut à 1 cm au-dessus de l’os hyoïde, et en bas à proximité de l’incisure sternale.
Avant de réaliser la laryngectomie totale, un évidement ganglionnaire bilatéral est souvent réalisé et concerne au moins les aires II, III et IV. On individualise durant ce temps les axes jugulo-carotidiens.
On procède à l’évidement de l’aire VI pré-laryngée (aponévrose cervicale superficielle et tissu cellulo-graisseux superficiel aux muscles infra-hyoïdiens en avant du larynx, jusqu’à l’os hyoïde en haut) qui est en règle générale laissée sur la pièce opératoire, pour une meilleure évaluation des marges antérieures.
3. Section des muscles infra-hyoïdiens
De chaque côté, les muscles omohyoïdiens sont sectionnés au niveau de leur croisement avec la veine jugulaire interne.
Les muscles sterno-hyoïdiens et sternothyroïdiens sont sectionnés de manière sélective au-dessus de la fourchette sternale, tout en contrôlant en profondeur l’axe jugulo-carotidien.
Note : le cas décrit ici est celui d’une laryngectomie totale dite « carrée », c’est-à-dire avec résection des muscles infra-hyoïdiens. A noter que dans les rares cas où le cancer n’a pas d’extension antérieure vers le cartilage thyroïde, il est possible de préserver l’insertion inférieure des muscles infra-hyoïdiens et de s’en servir pour couvrir les sutures pharyngées.
On visualise alors la trachée que l’on dénude et que l’on dissèque à ses faces antérieure et latérales afin de la préparer à être ascensionnée à la peau.
Exposition des lobes thyroïdiens, situés au contact de la face profonde des muscles sterno-thyroïdiens.
En fonction de l’extension tumorale, chaque lobe thyroïdien peut être soit reséqué en monobloc avec la pièce opératoire (une ligature des pédicules thyroïdiens supérieur et inférieur est alors nécessaire) soit laissé en place, comme dans cette vidéo : une isthmectomie est alors réalisée et les lobes thyroïdiens sont disséqués de la trachée et du larynx et réclinés latéralement.
Dissection et préservation des pédicules thyroïdiens supérieurs.
De la même manière, un évidement médiastino-récurrentiel peut être effectué avec la lobectomie thyroïdienne, auquel il est laissé attaché.
Dans tous les cas, le nerf laryngé inférieur est sectionné de chaque côté.
4. Squelettisation du larynx (libération de l’os hyoïde et du cartilage thyroïde)
Les muscles supra-hyoïdiens (muscles du plancher buccal et du rideau stylien) sont désinsérés progressivement au contact du bord supérieur de l’os hyoïde, à l’aide du bistouri électrique.
De la même manière, la grande corne de l’os hyoïde est libérée en faisant attention à ne pas léser le nerf hypoglosse et le pédicule lingual. Pour ce faire, on tracte la grande corne de l’os hyoïde pour l’écarter de la zone à risque. Pour certains, les grandes cornes de l’os hyoïde sont sectionnées et envoyées en analyse anatomopathologique pour éviter qu’elles ne compriment ou traumatisent l’axe carotidien lors de la mobilisation du larynx.
Section du muscle constricteur inférieur du pharynx au bistouri électrique en regard du bord libre de chaque aile thyroïdienne. La corne supérieure du cartilage thyroïde est également libérée de ses attaches musculaires.
On rugine ensuite à la face profonde de l’aile thyroïdienne sur un tiers de sa largeur, pour libérer la paroi latérale du sinus piriforme de ses attaches au cartilage.
Les deux tiers restants représentent les attaches du larynx au cartilage thyroïde et ne doivent donc pas être disséqués.
Note : En cas d’extension tumorale au sinus piriforme, ce dernier n’est donc pas libéré du cartilage thyroïde du côté de la maladie. Une résection hypopharyngée est alors nécessaire, c’est ce qu’on appelle une pharyngo-laryngectomie totale. L’exérèse du lobe thyroïdien et de l’aire médiastino-récurrentielle du côté de la maladie est alors souvent nécessaire.
On ligature alors le pédicule vasculo-nerveux laryngé supérieur, situé à proximité de la grande corne de l’os hyoïde.
5. Trachéotomie et pharyngotomie
La trachéotomie doit être réalisée avant la pharyngotomie, car la sonde d’intubation gênerait la visualisation du larynx. Elle peut également être réalisée au début de l’intervention. Une incision de la trachée est effectuée généralement entre le 2ème et 3ème anneau trachéal (en l’absence d’extension tumorale à la trachée) puis remonte en biseau pour augmenter le diamètre futur du trachéostome.
La paroi antérieure de la trachée est amarrée à la peau par des points séparés de Vicryl 2.0 ou PDS 2.0. Insertion d’une sonde d’intubation de type Montandon dans le trachéostome.
Dissection au bistouri électrique au-dessus de l’os hyoïde dans le plan du ligament hyo-épiglottique, représentant la limite supérieure de la loge hyo-thyro-épiglottique que l’on doit réséquer en totalité.
Pharyngotomie trans-valléculaire médiane, en l’absence d’extension tumorale à proximité de la vallécule.
L’épiglotte est alors visualisée et exteriorisée dans le cou à l’aide d’une traction à la pince d’Allis. Cela permet une bonne exposition du larynx et de la tumeur.
On procède alors à la résection de la tumeur sous contrôle de la vue en respectant des marges macroscopiques de 1 cm, en sectionnant idéalement la muqueuse aux instruments froids pour ne pas artéfacter l’analyse anatomopathologique.
Si l’extension tumorale le permet, on préserve autant de muqueuse pharyngée que possible en faisant passer le trait de section par chaque carrefour des trois replis puis par l’angle antérieur de chaque sinus piriforme.
Enfin, on horizontalise le trait de section dans la région rétro-crico-aryténoïdienne pour préserver un maximum de muqueuse. A cet endroit, le trait de section se porte dans un plan de dissection entre le muscle crico-aryténoïdien postérieur en avant et la muqueuse pharyngo-œsophagienne en arrière.
On sectionne alors la paroi postérieure de la trachée et l’on rejoint le trait de section trachéo-œsophagien. Exérèse de la pièce opératoire et vérification des marges d’exérèse.
Note /!\ : la paroi postérieure de la trachée est vascularisée par des vaisseaux traversant l’espace inter-trachéo-œsophagien. Une dissection trop basse dans cet espace, c’est-à-dire plus basse que la section de la paroi postérieure de la trachée, est inutile et dangereuse avec le risque de nécrose trachéale et de fistule trachéo-œsophagienne.
Mise en place éventuelle d’un implant phonatoire en positionnant la fistule trachéo-oesophagiennenne à environ 10mm du bord supérieur de la trachée résiduelle.
6. Fermeture pharyngée
Après vérification de la présence de suffisamment de muqueuse pharyngée résiduelle (permettant une suture autour du petit doigt), on effectue une fermeture pharyngée en deux plans, qui se fait conventionnellement avec une forme de T (ou alternativement suture verticale en ligne droite) au Vicryl 3.0.
Note : en cas de muqueuse pharyngée résiduelle trop peu abondante, la réalisation d’un lambeau pour reconstruction pharyngée sera nécessaire.
Diverses techniques de suture existent pour le premier plan (suture muqueuse) : points extra-muqueux, points trans-muqueux inversants (Connell suture), séparés ou en surjet.
Dans tous les cas, la fermeture doit être étanche, éviter les espaces morts et les cul-de-sacs muqueux, et prendre garde aux zones de faiblesse que sont chaque extrémité du T et la jonction entre la suture horizontale et verticale.
L’extrémité inférieure du T peut être enfouie dans le versant endoluminal, avec une bourse de Vicryl 3.0 empêchant son éversion et la constitution d’un cul-de-sac. Le dernier point de suture, au niveau de la jonction horizontale et verticale du T, peut être effectué en bourse pour en assurer l’étanchéité.
Un second plan de suture est réalisé avec une suture lâche des muscles pharyngés pour capitonner la suture en prenant soin de ne pas sténoser le pharynx.
7. Fermeture
Mise en place d'un système de drainage de chaque côté du cou (en cas de curage cervical bilatéral).
Confection du trachéostome, qui est suturé à la peau par des points séparés en tâchant de recouvrir la tranche de section cartilagineuse par de la peau (éviter l'exposition cartilagineuse à la peau, pourvoyeuse de nécrose et de désunion).
Fermeture sous-cutanée par des points séparés au niveau du platysma. Fermeture cutanée aux agrafes.